Published Date: October 21st, 2022

Author: ICCC Montreal Office

JEAN-PHILIPPE DÉCARIE
LA PRESSE

L’anniversaire est nettement passé sous le radar, mais je me permets de vous rappeler que l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne a fêté ses cinq ans d’existence le 21 septembre dernier. Même s’il n’y a pas de quoi écrire à sa mère, direz-vous peut-être, l’évènement mérite que l’on s’y arrête un peu, question de faire un bilan d’étape de cette entente commerciale dont on est encore bien loin d’avoir exploité le plein potentiel.

Rappelez-vous, on nous disait que ce nouvel accord économique et commercial allait ouvrir les portes aux entreprises québécoises d’un marché de plus de 500 millions de consommateurs dans 28 pays européens. Cette réalité d’il y a cinq ans a toutefois changé depuis la victoire du Brexit et le retrait, il y a deux ans, du Royaume-Uni de l’Union européenne.

On parle donc aujourd’hui d’une entente commerciale qui nous donne accès à 446 millions de consommateurs dans 27 pays d’Europe, ce qui est tout de même loin d’être négligeable.

Cinq ans après la signature de l’entente Canada-Union européenne, on constate toutefois que le retrait de l’Angleterre de l’AECG combiné au fort ralentissement des échanges commerciaux entre le Québec et l’Europe, survenu au plus fort de la pandémie en 2020, ont eu un impact négatif sur les gains qu’aurait dû produire cette libéralisation des entraves au commerce.

Malgré tout, les exportations du Québec vers les pays de l’Union européenne ont progressé de 12 % en cinq ans pour s’établir à 9,5 milliards de dollars, en 2021, contre 8,5 milliards en 2016.

Le partenariat commercial avec l’Europe profite aussi davantage au Québec qu’au reste du Canada puisque les ventes de produits à l’UE représentent 9,5 % de la totalité des exportations québécoises, contre 4,8 % seulement pour le Canada.

Les pays de l’UE ont par ailleurs nettement mieux tiré profit des ouvertures créées par la signature de l’AECG puisque leurs exportations vers le Québec ont bondi de 23 % en cinq ans pour atteindre 21,5 milliards l’an dernier, contre 17,5 milliards en 2016.

« Les entreprises du Québec doivent mieux profiter de ce marché de 445 millions d’Européens, d’autant que la guerre en Ukraine force les pays européens à se trouver de nouveaux alliés », observe Geneviève Brisson, déléguée générale du Québec à Bruxelles.

Mme Brisson constate que l’Union européenne est responsable à elle seule de 25 % de tous les investissements étrangers au Québec, derrière bien sûr les États-Unis, et qu’elle accapare près de 21 % de toutes les importations québécoises.

« Notre défi est de mieux faire connaître l’AECG pour que les entreprises québécoises du secteur agroalimentaire, de l’aéronautique, des biotechnologies, des technologies vertes et créatives et même des produits forestiers y développent davantage des filières », souligne la déléguée générale.

UN POTENTIEL SOUS-UTILISÉ

C’est aussi le constat que fait Pierre Marc Johnson, qui a été le négociateur en chef pour le Québec de l’AECG entre le Canada et l’Union européenne.

« L’objectif principal de cet accord était de nous donner la capacité de mieux attaquer un nouveau marché de 445 millions de consommateurs et d’avoir accès à tous les secteurs d’activité du marché industriel sans entraves tarifaires. »

« Cinq ans après, seulement 60 % des entreprises québécoises qui font affaire en Europe utilisent les avancées que nous a données l’AECG, les autres paient encore des droits parce qu’elles ne prennent pas la peine de faire les démarches administratives. »

– Pierre Marc Johnson, qui a été négociateur en chef pour le Québec de l’AECG

« Nos échanges ont progressé, mais l’élan a été ralenti par la disruption des chaînes d’approvisionnement à cause de la pandémie. L’année 2020 a été désastreuse », constate Pierre Marc Johnson.

Selon le négociateur en chef du Québec, les cinq prochaines années nous permettront de mieux évaluer les effets de l’accord, à la condition que l’on poursuive les efforts et que l’on s’attaque notamment aux marchés de niche, tels que les TI, l’intelligence artificielle et même les produits agricoles et industriels.

En cinq ans, les ventes de canneberges dans l’Union européenne ont progressé de 288 %, le sirop d’érable de 70 %, les ouvrages en aluminium de 204 %, l’aluminium brut de 44 % et le titane de 86 %, nous précise Geneviève Brisson, déléguée générale du Québec à Bruxelles, mais les statistiques nous informent aussi que les Européens ont vendu davantage de biens divers au Québec, notamment dans le secteur agroalimentaire.

Les producteurs agricoles québécois étaient opposés à l’AECG parce qu’on voulait ouvrir le marché canadien à une hausse des exportations de fromages européens, soit 17 000 tonnes additionnelles par année.

« C’était une mauvaise entente à l’époque et, cinq ans plus tard, c’est toujours une mauvaise entente pour les producteurs québécois qui produisent 50 % du fromage canadien et 60 % des fromages fins. »

– Charles-Félix Ross, directeur général de l’Union des producteurs agricoles

« On devait obtenir un meilleur accès en Europe pour notre bœuf et nos porcs et on n’a obtenu que 3 % de nos contingentements tarifiés alors que les producteurs de fromages européens atteignent 94 % de leurs contingentements », déplore Charles-Félix Ross, directeur général de l’Union des producteurs agricoles.

Chose certaine, l’entrée en vigueur de l’AECG n’a pas eu l’effet coup de fouet que l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis avait eu lorsqu’il était entré en vigueur en 1989, alors que les échanges bilatéraux entre le Canada et les États-Unis ont explosé de 167 % en dix ans.

Les marchés de proximité sont toujours ceux que l’on cherche prioritairement à conquérir, mais une fois que cela est fait, il faut aussi voir plus loin et profiter des occasions qui s’y prêtent. L’abolition des barrières en est une bonne et il faut s’y atteler.


This article first appeared in La Presse on 15 October and has been reproduced by kind permission.

Share